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Vous venez de publier votre dernier album : Quelle en est l’histoire ? 

« CARLISLE » raconte l’histoire de l’école du même nom qui a vu le jour

aux Etats-Unis à la fin du 19ème siècle et dont le but était la déculturation

des indiens d’Amérique. Désapprendre à des enfants à être ce qui fait

leur essence même : leur culture. Au travers de méthodes parfois

violentes même si le postulat de départ – l’intégration des amérindiens

à la société américaine – se voulait louable. Mais ne dit-on pas que la

route vers l’enfer est pavée de bonnes intentions ?

Dans cette série de deux tomes, je m’attache à suivre le parcours

d’un jeune professeur qui trouve louable le principe de telles écoles

et qui choisit de venir y enseigner. La réalité qu’elles impliquent va lui

sauter aux yeux et il tentera de venir en aide aux élèves.

Au risque de se perdre lui-même…

 

Combien de temps vous a t-il fallu pour concevoir et réaliser cet album ?

Si le premier tome a été rapidement bouclé (une année environ entre la signature du contrat

et la sortie de l’album), nous avons eu, avec mon dessinateur Laurent Seigneuret, un peu plus de mal sur le second. En grande partie de mon fait suite à des problèmes d’ordres personnels.

 

Vous travaillez donc avec un co-auteur. Pouvez-vous nous parler de cette collaboration ?

Je suis scénariste. Bien incapable de dessiner avec le talent dont font preuves tant de dessinateurs BD.

Les éditions Bamboo Grand Angle m’ont donc adjoint un comparse, Laurent Seigneuret.

Notre collaboration s’est très bien déroulée, Laurent est ce que j’appelle un besogneux : il travaille sans relâche à sa table à dessin et compense ses quelques faiblesses par une efficacité dans la mise en scène

et un réel investissement dans l’histoire.

 

Quelle formation avez-vous suivi en tant qu’artiste et quel conseil donneriez-vous à ceux qui voudraient suivre votre exemple ?

Je suis autodidacte. J’ai toujours écrit, des nouvelles et même un roman (inachevé). Et puis, j’ai rencontré Jean-François et Maryse Charles à l’occasion d’un festival BD à Buc. Ils m’ont fait comprendre qu’écrire pour la BD n’était pas aussi inaccessible que je le pensais. Je me suis donc lancé. Mais il m’a fallu comprendre les mécanismes de la création d’un univers de fiction, du séquencement, du découpage des planches ou la façon de présenter un projet à un éditeur. J’ai donc lu beaucoup d’ouvrages sur ces sujets. Parallèlement, j’ai beaucoup surfé sur des sites spécialisés grâce auxquels j’ai rencontré quelques dessinateurs professionnels mais également des éditeurs, me constituant un embryon de carnet d’adresses nécessaire pour se lancer.

 

Pouvez-vous nous parler du tout premier album que vous avez réalisé et quel regard portez-vous sur lui aujourd’hui.

C’était un dyptique aux éditions Glénat, « L’alternative ». Un ouvrage ambitieux au concept fort mais plein d’imperfections. Nous avons rencontré un certain succès commercial mais nous nous sommes fait « assassiner » par la critique. Cela fait longtemps que je n’ai pas rouvert les deux tomes de cette série car quand il m’arrivait de le faire, je ne voyais que les erreurs. Par contre, étant parallèlement libraire BD, il m’arrive encore de le vendre sur conseil et sans stipuler que j’en suis l’un des auteurs.

 

Y-a-t-il une recette magique pour réussir un album… ou à défaut sur quel aspect de votre travail êtes-vous le plus attentif ?

Une recette ? Je vais vous faire une réponse de normand : oui et non. Je pense qu’il faut beaucoup se documenter, être attentif à la facilité tant dans l’histoire que dans le dessin (et ce, même quand on est déjà un auteur reconnu car les lecteurs la décèlent presque inévitablement et ne le pardonnent pas), y mettre son cœur et ses tripes… Et avoir un peu de talent également ce qui n’est pas donné à tout le monde non plus. Après, seul le public décide… Dès lors que l’album est terminé, qu’il a été imprimé, il ne vous appartient plus. Si vous le jugez réussi, si vous en êtes fier, tant mieux, c’est que « vous avez fait le job ». Mais au-delà de tout le soin que vous avez apporté à sa réalisation, les raisons qui en feront un succès ou un échec sont parfois très mystérieuses. Passionné d’Histoire, je lis énormément sur les sujets que j’aborde dans mes albums. Je tiens à être inattaquable dans ce domaine. Je suis donc particulièrement attentif à la documentation… Mais encore une fois, si la documentation est importante, elle ne doit pas prendre le pas sur l’histoire elle-même. Nous sommes des raconteurs d’histoires, pas des historiens…

 

Vous allez participer aux 8èmes journées de la bd. Quelle genre de relation nouez-vous avec votre public lors des séances de dédicaces et avez-vous des anecdotes à ce sujet ?

En tant que scénariste ayant au final peu d’albums à mon actif, je suis très rarement invité en festival. J’en profite d’ailleurs pour remercier chaleureusement les organisateurs des journées de la BD de Saint Saturnin Lès Avignon de le faire depuis trois ans. Pour répondre à votre question, je suis en général un peu gêné lorsque je rencontre mon public. En particulier si la personne que j’ai en face de moi a particulièrement apprécié l’album qu’elle me demande de dédicacer. J’en suis heureux forcément… mais également gêné donc. Une anecdote ? En fait non, rien qui ne vaille d’être raconté.

 

Comment travaillez-vous et où trouvez-vous votre inspiration ?

A la base de chaque projet, de chaque album, il y a la fameuse « idée de base »… Où trouve-t-on l’inspiration ? Partout en fait… Si je me contente des deux séries publiées dont je suis le scénariste, « L’alternative » m’a été inspiré par la chanson de JJ Goldman « Si j’étais né en 17 à Leidenstadt ». Qu’une personne de confession juive puisse avoir l’honnêteté intellectuelle de se demander s’il n’aurait pas fait parti des bourreaux de son peuple s’il était né allemand et avait été conditionné m’a poussé à imaginer deux vies d’une même personne en fonction d’un choix, d’une alternative. Et en fonction de ces deux chemins, la possibilité de devenir un salaud ou un héros. Pour ce qui concerne « Carlisle », j’ai découvert l’existence de ces écoles spécialisées dans la déculturation en me documentant sur les sioux pour un tout autre projet. Je me suis « emparé » du sujet et ai essayé de créer une fiction autour de la tragédie très méconnue de ce peuple.

 

Selon vous la bd doit elle rester un pur divertissement ou peut-elle véhiculer des valeurs ou un « fond » qui vous sont personnels. Si oui, lesquels ?

Les deux mon capitaine ! Il y a bien longtemps, n’en déplaise à monsieur Finkielkraut, que la BD a obtenu ses lettres de noblesse. Au travers notamment de la vague de romans graphiques initiée dans les années 90 et qui a vu quantité d’auteurs s’emparer de sujets graves – parfois issus de leurs propres expériences de vie – et en faire des albums de BD.

 

Quel est l’artiste ou l’écrivain que vous estimez à la source de votre vocation et pourquoi ?

Frank Giroud sans hésiter. D’abord parce que après avoir laissé tomber la BD au milieu des années 90 (je n’en lisais presque plus, lui préférant la littérature), c’est en lisant « Le Décalogue » que je me suis replongé dedans. Et puis parce que les sujets qu’il aborde autant que sa façon de les aborder trouvent un écho chez moi. Un jour où nous discutions des différends projets en gestation que nous avions, nous nous sommes aperçus que plusieurs se rejoignaient. Mon choix de faire appel à deux dessinateurs pour dessiner les deux tomes de « L’alternative » est d’ailleurs totalement inspiré par ce qu’a fait Frank sur « Le Décalogue ».

 

Sur quel projet travaillez-vous actuellement ?

Un dyptique qui paraitra courant 2017 aux éditions Bamboo Grand Angle. Une saga familiale abordant la thématique de l’esclavage aux Etats-Unis avant et pendant la guerre de Sécession.

 

Quel regard portez-vous sur votre parcours artistique : bienveillant, fier, critique... ?

Un mélange de tout cela en fait… Très critique quant au résultat que constituent mes albums.

Je les trouve tellement perfectibles ! Et quand je les relis ou en parcoure quelques pages, il n’y a que les défauts qui me sautent aux yeux. Et en même temps une certaine fierté d’être parvenu à me faire publier, ce qui n’est pas chose aisée au regard du nombre de personnes qui veulent faire de la BD, de m’’y être fait une toute petite place. Je n’ai pas la prétention de révolutionner le genre, juste de faire des albums que les gens aient plaisir à lire.

 

Interview réalisée par mail le 13 février 2016 exclusivement pour les Journées de la BD

L'interview

Edouard CHEVAIS DEYTON

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