Bonjour Pierre. Pouvez-vous nous parler de votre dernier album :
Mon dernier album est paru fin 2014 (ça commence à dater un peu mais
2016 sera riche en nouveautés). Il s’agit du troisième et dernier tome des
« Thanatonautes », adaptation du célèbre roman de Bernard Werber,
qui raconte l’exploration scientifique de la vie après la mort.
Dans l’épisode précédent, nos explorateurs étaient parvenus au dernier
territoire du continent des morts. Dans celui-ci, ils vont approfondir
leurs connaissances pour percer le mystère de la destinée humaine.
Les conflits religieux du deuxième tome sont plus ou moins passés,
mais le moment est venu des récupérations politiques et commerciales.
On découvre aussi les conséquences sur la population des révélations sur l’au-delà ,
qui sont assez désastreuses…
Combien de temps vous a-t-il fallu pour concevoir et réaliser cet album ?
A peu près une année, comme pour les précédents tomes.
Si vous travaillez avec un co-auteur, pouvez-vous nous parler de cette collaboration ?
La collaboration avec Eric Corbeyran est très agréable, je me retrouve parfaitement dans sa manière de raconter, et il me laisse libre d’interpréter son découpage à ma manière, tant que ça ne contredit pas l’intention initiale bien sûr. Bernard Werber nous a lui aussi laissé une grande liberté, il n’a pas du tout été intrusif ou envahissant, mais en même temps très intéressé par ce que nous faisions.
Du fait de l’éloignement géographique, on ne s’est pas souvent vus physiquement tous les trois, mais ça a été à chaque fois des rencontres très sympathiques et intéressantes.
Quelle formation avez-vous suivi en tant qu’artiste et quel conseil donneriez-vous à ceux qui voudraient suivre votre exemple ?
J’ai assez peu de formation scolaire : j’ai passé un bac Arts Appliqués, et vaguement tenté de poursuivre des études d’Histoire de l’Art à la Fac (mais je ne les ai pas rattrapées). Ce que je peux conseiller aux apprentis auteurs de BD, c’est déjà de se regrouper avec d’autres, que ce soit dans le cadre des études ou non, pour échanger, se stimuler et s’inspirer mutuellement ; et ensuite d’avoir plusieurs cordes à son arc, prévoir d’autres sources de revenus possibles en dehors de la BD, que ce soit dans un autre domaine du dessin ou carrément autre chose.
Pouvez-vous nous parler du tout premier album que vous avez réalisé et quel regard portez-vous sur lui aujourd’hui.
C’était le premier tome de ma série « Les Portes de Shamballah », co-scénarisée avec Axel Mazuer et Cyril Romano. Un album sur lequel j’ai travaillé plusieurs années, parce je le faisais à mes heures perdues, entre deux boulots de story-board pour des studios de dessin animé ou autre. Du coup j’ai pas mal transpiré sur ce bouquin, déjà parce que c’était le premier et aussi parce que je ne pouvais pas m’y consacrer pleinement, je n’en voyais pas le bout ! Mais au final j’en suis plutôt content, même si je vois plein de défauts quand je le regarde (comme mes autres bouquins d’ailleurs).
Y-a-t-il une recette magique pour réussir un album… ou à défaut sur quel aspect de votre travail êtes-vous le plus attentif ?
Recette magique, non bien sûr, ça se saurait. Il existe des techniques pour construire une histoire ou la rendre intéressante, idem pour tous les aspects du travail ; mais il faut parfois oublier les techniques ou les méthodes pour se fier à son instinct, sinon le résultat est un peu trop propre et prévisible. C’est finalement la même règle que dans toutes les activités humaines (sport, musique, etc.), trouver son propre équilibre entre le contrôle et le lâcher prise. On y arrive rarement mais c’est un horizon qui nous fait avancer. Se faire plaisir est le meilleur baromètre.
Vous allez participer aux 8èmes journées de la bd. Quelle genre de relation nouez-vous avec votre public lors des séances de dédicaces et avez-vous des anecdotes à ce sujet ?
C’est toujours agréable de rencontrer les lecteurs, ça permet de savoir pour qui on travaille en fin de compte. On peut aussi avoir des retours assez instructifs sur le boulot, mais très souvent on parle de tout et de rien. Le travail d’auteur de BD est plutôt solitaire alors un bain de foule de temps en temps, ça compense !
Comment travaillez-vous et ou trouvez-vous votre inspiration ?
Tout dépend de l’étape du travail ; si je fais du scénario ou du découpage, j’aime bien être à l’extérieur, dans le jardin, en déplacement, en voyage ; la nature, les gares, les trains, les aéroports ont tendances à stimuler l’imagination. Pour le dessin, c’est plus compliqué, il faut plus de matériel et d’espace, j’ai besoin du confort de l’atelier, à la maison. La musique m’inspire pas mal, j’essaie de trouver une ambiance qui correspond à la scène sur laquelle je travaille ; j’écoute aussi des émissions, des débats, des documentaires. Les films, les séries télé et le boulot de mes collègues agissent souvent comme des stimulants. La recherche de documentation est aussi une façon de s’imprégner d’un univers ou d’une époque, je lis pas mal de livres en rapport avec les sujets que je traite ; ce n’est même pas vraiment volontaire, c’est assez compulsif chez moi. J’y vois parfois une façon de procrastiner, mais je pense qu’au final c’est plutôt utile.
Selon vous la bd doit-elle rester un pur divertissement ou peut-elle véhiculer des valeurs ou un « fond » qui vous sont personnels. Si oui, lesquels ?
En tant que lecteur, le divertissement est ce que je recherche en premier lieu, on ne lit pas une BD pour s’ennuyer ; le fond, c’est un plus qui est très appréciable, et qui fait qu’une BD (ou un roman, film, etc.) reste en mémoire. En tant qu’auteur, je ne pourrai pas passer des années à travailler sur une série sans y mettre quelque chose de personnel, une vision du monde, un ressenti, des questionnements, l’envie de partager des choses qui me font avancer, qui donnent à réfléchir. Pas besoin d’être plus précis, chacun trouvera ce qu’il veut, et si c’est juste un moment de détente, pas de problème !
Quel est l’artiste ou l’écrivain que vous estimez à la source de votre vocation et pourquoi ?
Les premiers auteurs de BD qui m’ont enthousiasmé et inspiré ma vocation ont été Hergé, Jacques Martin et Jacobs, et sans doute encore plus ce dernier. Giraud/Moebius a longtemps été un modèle à suivre, mais avant lui, et s’il ne fallait citer qu’un seul auteur qui m’a vraiment vrillé le cerveau et inspiré ma démarche créatrice, c’est Hermann. Il n’a pas vraiment révolutionné la BD, mais il a énormément contribué à faire évoluer le genre « BD d’aventures », et à ce titre je suis content qu’il ait enfin eu le grand prix qu’il méritait.
Sur quel projet travaillez-vous actuellement ?
Je travaille sur une adaptation en BD de l’Iliade d’Homère, qui s’inscrit dans une vaste collection que Glénat va consacrer à la mythologie Grecque, en collaboration avec Luc Ferry qui a beaucoup travaillé sur le sujet. C’est un plaisir immense de plonger dans cette époque épique !
Quel regard portez-vous sur votre parcours artistique : bienveillant, fier, critique... ?
Oui, les 3 !
Interview réalisée par mail le 16 février 2016 exclusivement pour les Journées de la BD